mercredi 13 octobre 2010

One for the vine.

Je suis un grand fan de Genesis. Selon moi, ils ont vraiment apporté quelque chose à la musique. Contrairement à une grosse partie de ce qui est sorti du "rock", ils ont su composer. Bien sûr, le départ de Peter Gabriel a été un coup dur, et petit à petit le groupe est devenu commercial et sans grande originalité, à mon avis sous la pression de Phil Collins, qui n'est pas très créatif. Mais les premiers albums post-Gabriel sont encore tout à fait acceptables. Duke marque le changement de style et de mentalité. Mais à mon propre étonnement, c'est dans un album post-Gabriel, Wind & Wuthering, que je trouve un de mes morceaux préférés, composé par Tony Banks: One for the vine:




Fifty thousand men were sent to do the will of one.
Cinq mille hommes furent envoyés pour accomplir la volonté d'un seul.
His claim was phrased quite simply, though he never voiced it loud,
Sa prétention se résumait facilement, bien que jamais il ne l'exprima,
I am he, the chosen one.
C'est moi, je suis l'élu.

*

In his name they could slaughter, for his name they could die.
En son nom ils pouvaient tuer, pour son nom ils pouvaient mourir.
Though many there were believed in him,
Et bien qu'ils étaient nombreux à croire en lui,
Still more were sure he lied,
Plus encore étaient persuadés qu'il mentait,
But they'll fight the battle on.
Mais ils iraient au combat.

*

Then one whose faith had died
Un qui avait perdu la foi
Fled back up the mountainside,
S'enfuit vers la montagne,
But before the top was made,
Mais avant qu'il n'atteigne le sommet,
A misplaced footfall made him stray
Un pas mal placé le fit s'écarter
From the path prepared for him.
Du chemin pour lui préparé.
Off of the mountain,
De la montagne,
On to a wilderness of ice.
À une étendue de glace.

*

This unexpected vision made him stand and shake with fear,
Cette vision inattendue le fit se lever et trembler de peur,
But nothing was his fright compared with those who saw him appear.
Mais son effroi n'était rien comparé à celui de ceux qui le virent apparaître.
Terror filled their minds with awe.
Une grande terreur emplit leurs esprits abasourdis.

*


Simple were the folk who lived
Simple était le peuple qui vivait
Upon this frozen wave.
Sur cette onde glacée.
So not surprising was their thought,
Aussi n'est-il pas étonnant qu'ils pensèrent:
This is he, God's chosen one,
"Le voici, l'élu de Dieu
Who's come to save us from
"Qui est venu pour nous sauver
All our oppressors.
"De nos oppresseurs.
We shall be kings on this world.
"Nous serons rois de ce monde."

*

Follow me!
Suivez-moi!
I'll play the game you want me,
Je ferais ce que vous attendez de moi,
Until I find a way back home.
Jusqu'à ce que je puisse rentrer chez moi.

*

Follow me!
Suivez-moi!
I give you strength inside you,
Je vous donnerais la force intérieure,
Courage to win your battles -
Le courage pour gagner vos batailles -

*

No, no, no, this can't go on,
Non, non, non, ça ne peut pas continuer,
This will be all that I fled from.
Çe sera exactement ce que j'ai fuis.
Let me rest for a while.
Laissez-moi me reposer un moment.

*

He walked into a valley,
Il alla marcher dans une vallée,
All alone.
Sans personne.
There he talked with water, and then with the vine.
Et il y discuta avec l'eau, puis avec la vigne.

*

They leave me no choice.
Ils ne me laissent pas le choix.
I must lead them to glory or most likely to death.
Je dois les mener à la gloire, ou plus certainement à la mort.

*

They traveled cross the plateau of ice, up to its edge.
Ils parcoururent le plateau glacé, jusqu'à sa bordure.
Then they crossed a mountain range and saw the final plain.
Puis ils traversèrent des montagnes, et virent la plaine finale.
Still he urged the people on.
Et il continuait à pousser ses gens.

*

Then, on a distant slope,
Enfin, sur une pente lointaine,
He observed one without hope
Il en vit un ayant perdu espoir
Flee back up the mountainside.
Fuir vers le flanc de la montagne.
He thought he recognised him by his walk,
Il pensa le reconnaître par sa marche,
And by the way he fell,
Et par sa chute,
And by the way he
Et par la manière dont il
Stood up, and vanished into air.
Se releva, et disparu complètement.

***

Certains y voient une critique des dictateurs et de la crédulité des foules, voire de Jésus, et de l'Église sous prétexte qu'elle poussa aux Croisades. D'autres soutiennent que ces paroles raconteraient une sorte d'histoire en boucle, où un homme se trouverait pris dans l'histoire qu'il créé. Personnellement, je pense que ce n'est pas aussi simple.

Dans cette chanson, j'entends toute la vanité pathétique de l'existence humaine, la manière dont le sort se joue de nous. Car "l'élu", un jour lui-même habitant misérable, est devenu soldat malgré lui, animé d'une foi factice qui s'effaça bien vite. Il était perdu, loin de chez lui, quand il tombe nez à nez avec cette population qui l'acclame et le fait se sentir important, bien qu'il garde sa distance, et ne fasse tout ça que pour rentrer chez lui, où il retrouvera sa petite place parmi la foule. Prenant soudainement conscience qu'il ne doit pas reproduire ce qui l'a lui-même mis dans cette situation, il se sent tiraillé entre l'attente de ces gens si simples et crédules, qui jamais ne comprendraient qu'il ne soit pas celui qu'ils ont cru voir en lui; et sa propre situation, son désir simple de rentrer chez lui, de retrouver là-bas ce qu'il a du quitter dans les mêmes conditions que le peuple des glaces s'apprête à le faire à sa suite.

Il le sait, c'est tracé, il doit les emmener à la mort comme lui-même y a été emmené. Il renonce à revenir un jour chez lui retrouver sa vie d'avant, et en même temps il sait qu'il les mène à la destruction, au malheur et à la mort. Mais leur espoir ne lui laisse pas d'autre choix. Paradoxalement, il sait que le sens qu'ils viennent de trouver à leur existence les conduit tous, lui inclut, à la mort. Quelle vanité, quel sinistre jeu le sort mène avec nos pauvres carcasses, nos rêves et nos espoirs! Ô créature pathétique, voit où ton destin te mène!

L'élu, résigné, conscient qu'il n'y a aucune échappatoire, dirige la troupe et mène l'assaut, au moins aura-t-il accompli son destin. Mais se retournant, il découvre un autre lui-même, un autre élu en devenir, et il réalise, il comprend soudainement l'absolu vanité de toute son existence, depuis le jour où l'élu est arrivé dans son propre village. Jamais ne cessera ce cycle insensé, jamais le monde ne sera à court d'élus et d'espoirs indécevables menant à la destruction et à la mort. Et un énième paumé, pris dans les engrenages du destin, ayant pour seul souhait de retrouver une vie tranquille, se mettra à guider à la mort une population misérable qui vit de l'espoir d'être guidé à la victoire. Et tout le monde aura tout perdu, et ça recommencera encore, et encore, et encore. C'est le drame de l'homme que raconte cette chanson, c'est l'histoire des conquêtes, des gloires, des décadences et des ruines, l'histoire des amitiés et des traîtrises, du courage et de la peur, de l'amour et de la haine, de l'espoir et de la mort.

Petites choses que nous sommes, sans prise et sans repaire, inconscients rassurés par notre cécité, ballotés par le sort.

Mais tout doux maintenant.

Et ça finit sur un air de piano mélancolique...

5 commentaires:

  1. "Je suis un grand fan de Genesis". Proprement injustifiable.

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  2. Absolument fan de Genesis (première mouture) et ce morceau est aussi un de mes favoris... Il dit tout !!! Remarqué aussi votre commentaire sur "Pays à vendre"... Tellement mieux dit que ce que je pense !

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  3. Par antisémitisme primaire, je Hais tout ce qui vient des Usa ! Je n'écoute même pas tout ce qui risque de puer l'anglo-saxon casher. De mon côté, j'aime la chanson italienne, Mina, Pravo, Vanoni...ou Ferré... En revanche, j'apprécie votre blog !

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  4. Ma foi, vous êtes bien libre d'écouter et de ne pas écouter ce que vous souhaitez; mais écouter de la variété (Ferré, les autres, je ne connais pas même de nom) tout en méprisant, dans un même élan, le rock et le pop, c'est un peu comme manger du lisier de peur que le jambon soit rance ou piqué de vers.

    Je suis antisémite aussi, mais il n'y a pas la moindre difficulté à écouter du rock, tout en évitant les juifs, au moins parmi les artistes. Evidement, les producteurs le sont, mais toutes les banques l'étant, si l'on boycotte rigoureusement le peuple élu, on se doit d'éviter jusqu'à l'utilisation d'internet. Votre présence ici même et la mienne sont la preuve que l'esprit pratique commande aux positions de principe.

    Cela dit, Genesis est un groupe britannique.

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  5. Permettez-moi de rendre hommage à l'intelligence et à la subtilité de vos interventions telles qu'elles se déploient sur votre blog où dans certains commentaires laissés sur des sites amis. Comme d'autres l'ont exprimé, j'apprécie d'y voir formulées certaines idées mieux que je n'aurais pu le faire, mais surtout d'y trouver matière à mieux comprendre le monde et l'époque où nous vivons.

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